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C’est un cycle...

PHILIPPE WOUTERS philippe.wouters@lescoops.ca

Il y a quelques années, lorsque la première Vie de Château — une bière ambrée au rhum – arriva sur le marché, plusieurs amateurs ont crié au scandale de vendre une bière aux arômes et à la finale très sucrée. Aujourd’hui, les bières « bonbons » font parler d’elles et on revit le même phénomène.

Le Saint-Bock est une microbrasserie au centre-ville de Montréal qui a subi de plein fouet la crise de la COVID et qui a vu son chiffre d’affaires fondre comme de la slush au soleil, le télétravail ayant tué l’achalandage quotidien. Son propriétaire, Martin Guimond, a dû se renouveler. Avec le petit système de brassage en arrière-salle, il a commencé à concocter des bières sans alcool sous la marque Bazaar. La marque se veut jeune, attire une clientèle intéressée par les produits sans alcool et réussit à se démarquer dans un marché assez concurrentiel en proposant des produits aux saveurs variées et fruitées. Pour en avoir goûté quelques-uns, je trouve que les produits sont intéressants, et je comprends qu’ils plaisent à une clientèle attirée par la vague du sans-alcool.

Je connais Martin depuis de nombreuses années et je sais que lorsqu’il trouve une niche dans un marché, il plonge à pieds joints et se donne les moyens de s’y démarquer. Après les bières Bazaar, lui et son équipe nous ont présenté des bières à saveur de barbe à papa, de slush et maintenant de bonbons. Le marketing est coloré, original et sensationnel. Au dernier Mondial de la bière, Martin invitait les visiteurs dans sa salle obscure afin qu’ils goûtent ses dernières créations fluorescentes… Oui, de la bière fluorescente.

Encore une fois, le produit ne m’interpelle pas en tant que consommateur, mais force est d’admettre que le travail de recherche pour reproduire le goût typique du bonbon d’inspiration a été réalisé avec pertinence. En toute franchise, je n’ai aucune idée de la composition du produit, mais si la brasserie a respecté les règles d’étiquetage, on peut encore parler techniquement de « bière ».

BIÈRE OU ALCOMALT?

Et c’est justement là que le bât blesse. Lorsque le Grimoire avait sorti son ambrée au rhum — au goût très marqué de « cream soda » — le noyau dur des amateurs de bières ne voulait pas identifier ce produit comme de la bière. Il existe d’ailleurs une catégorie de produits alcoolisés à partir d’une base de céréale que l’on appelle les alcomalts. Aujourd’hui, devant la très grande variété de produits à saveurs ajoutées, l’ambrée au rhum du Grimoire est la moins excentrique des bières dans cette catégorie.

Il est d’ailleurs amusant de voir la réaction sur les réseaux sociaux au sujet de ce genre de produits et la presque idolâtrie pour certains autres produits qui appliquent la même stratégie : ajouter des arômes et des sucres pour en modifier l’aspect et le goût.

Y a-t-il vraiment une différence entre une Milkshake IPA, gonflée au lactose et à la vanille, et une bière avec ajout de vanille ou d’arômes rappelant les bonbons ? En toute transparence, je n’en trouve que très peu, à part l’amertume du houblon, réalisée avec un ajout important de houblons tendance.

Peut-on encore considérer un Pastry Stout — avec ajout de chocolat, vanille, lactose, noix, cerises et j’en passe — comme de la bière ? Je n’ai pas pour mission de vouloir vous convaincre que cela n’en est pas, cependant, je n’ai pas pour vocation de vouloir absolument différencier les deux types de produits.

Aujourd’hui, l’industrie brassicole évolue dans son offre de produits, à grande vitesse. L’attrait de la nouveauté et le besoin de se différencier en sortant toujours quelque chose de plus extravagant sont — en grande partie — la cause de ce phénomène.

Il est cependant important de tenir compte que la définition d’une bière est, aujourd’hui, assez large pour de nombreux consommateurs. Sommes-nous dans un biais de confirmation ? Je le pense.

RÉGAL

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2023-05-27T07:00:00.0000000Z

2023-05-27T07:00:00.0000000Z

https://lavoixdelest.pressreader.com/article/283145728100352

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