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ET PUIS, LES HUILES ESSENTIELLES? ÇA MARCHE?

JEAN-FRANÇOIS CLICHE jfcliche@lesoleil.com

L’AFFIRMATION

«J’ai une amie qui vend des huiles essentielles et qui ne tarit pas d’éloges à leur sujet, leur prêtant même des vertus curatives. Mais je reste sceptique et je me demande même si ces fameuses huiles présentent des dangers reconnus par la science. Qu’en dites-vous?» demande Martin Parent, de Québec.

LES FAITS

Les huiles essentielles sont des extraits de plantes très concentrés qui dégagent une odeur agréable, d’où leur «deuxième nom» d’aromathérapie. Comme on les fabrique à partir de diverses espèces ou parties des plantes (fleurs, graines, écorce, etc.), on parle ici d’une foule de produits différents, qui peuvent chacun contenir des substances avec des effets particuliers — si effet il y a, j’y reviens —, allant de la simple relaxation jusqu’aux vertus analgésiques ou anti-inflammatoires.

Il est bien possible qu’elles agissent aussi (peut-être surtout) par un mécanisme plus générique : en dégageant une odeur agréable, elles placeraient dans de bonnes dispositions, ce qui pourrait ensuite avoir des effets physiologiques.

Quoi qu’il en soit, ces huiles sont de plus en plus populaires, notamment dans les milieux de la «santé naturelle». Les estimations varient d’une firme à l’autre, mais le marché mondial avoisinerait les 15 à 20 milliards $US, et il connaît une croissance soutenue.

Maintenant, est-ce que ça marche? En fait, ça dépend beaucoup de ce qu’on s’attend à ce qu’elles fassent.

Si l’on espère des effets thérapeutiques directs sur toutes sortes de maladies, on risque fort d’être déçu. «Pas de preuve», «données insuffisantes», «résultats préliminaires» : ces expressions reviennent continuellement dans les sources [ tinyurl.com/5n87vht3] qui résument la littérature scientifique à leur sujet [tinyurl.com/27svu2ur].

Par exemple, des études ont trouvé que certaines huiles essentielles auraient des effets antimicrobiens et qu’elles pourraient même, peutêtre un jour, aider à prévenir ou traiter certaines maladies infectieuses.

Mais le hic, avertissait récemment l’organisme Prévention et contrôle des infections Canada [tinyurl. com/33ujv669], c’est que «la majorité de ces études ont été faites in vitro [NDLR : l’histoire des sciences médicales est remplie de molécules qui semblaient très prometteuses en éprouvette, mais qui finalement ne faisaient rien dans un vrai organisme]. Il n’y a aucune concentration standard établie pour les huiles essentielles et, à l’heure actuelle, les preuves sont insuffisantes pour en recommander l’usage en établissement de santé».

En ce qui concerne les effets antiinflammatoires qu’on leur prête, une revue de littérature scientifique parue en 2015 [tinyurl. com/25zn4ujk] a conclu que ces huiles «sont des produits naturels très intéressants […] Cependant, il faut noter que le nombre d’essais bien menés sur des humains est encore très faible».

Même principe pour le traitement ou la prévention d’autres problèmes de santé comme la démence [tinyurl.com/5n7hnnyw], le cancer [tinyurl.com/2ptf9zcv] et le diabète [tinyurl.com/mtrvk6kr]: aucune preuve d’efficacité le moindrement solide n’a été obtenue jusqu’à maintenant.

Peut-être que des essais cliniques futurs en trouveront un jour. Mais à

l’heure actuelle, pour agir directement sur une maladie, mieux vaut ne pas trop se fier sur l’aromathérapie.

EFFETS INDIRECTS

Cela n’empêche toutefois pas les huiles essentielles d’aider quand même, de manière plus indirecte : pas en combattant la source du mal elle-même, mais en soulageant certains symptômes.

Par exemple, si l’aromathérapie n’a aucun effet connu sur le cancer, il existe un certain nombre

d’études qui ont trouvé qu’elle réduit l’anxiété (mais pas la dépression) qui vient souvent avec ce terrible diagnostic, selon une revue de la littérature scientifique parue dans Frontiers in Public Health [tinyurl.com/mr359zhh].

Ça n’est pas forcément miraculeux, remarquez, puisque une métaanalyse [tinyurl.com/txv5y4ye] — une étude qui regroupe les données de plusieurs études sur une même question — comparant l’effet des massages avec ou sans aromathérapie sur des patients cancéreux a conclu que les huiles essentielles réduisaient un peu plus l’anxiété que les massages seuls, mais que la différence n’était pas suffisante pour être «cliniquement significative». (Cette même étude a trouvé le même genre d’effet, très faible, sur la douleur, la dépression et la qualité de vie).

Bref, ça ne semble pas faire grandchose, mais on ne peut pas dire non plus que ça ne fait absolument rien. C’est toujours ça, j’imagine.

Enfin, mentionnons que oui, les huiles essentielles viennent avec certains risques. Comme elles ne sont pas considérées comme des traitements, elles sont moins étudiées et leur fabrication est moins encadrée que celle des médicaments. Et comme il s’agit de produits très concentrés, il ne faut donc jamais en avaler.

D’après le site Web de la santé publique de Colombie-Britannique [tinyurl.com/4fknxuxz], certaines peuvent causer des réactions allergiques ou de l’irritation, et certaines personnes (asthmatiques, femmes enceintes, etc.) devraient consulter leur médecin avant d’utiliser des huiles essentielles. Mais il reste que, globalement, ce ne sont pas des produits dangereux.

VERDICT

Pas fameux, disons. Les études sur l’efficacité de l’aromathérapie sont généralement petites, préliminaires, pas sur des humains et souvent de piètre qualité. Leurs vertus curatives ou préventives ne sont donc pas bien prouvées, sauf pour de petits effets indirects sur l’anxiété ou le bien-être. Les huiles essentielles ne sont pas sans risques, bien qu’elles semblent globalement sécuritaires.

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2023-05-27T07:00:00.0000000Z

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