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La curiosité de l’autre

STEVE BERGERON steve.bergeron@latribune.qc.ca

Revenue au Québec pour le lancement de sa nouvelle biographie Clémence, encore une fois, Clémence DesRochers, avec sa conjointe Louise Collette, vient de passer deux mois au soleil du Mexique. «C’était magnifique! Devant le condo où on habitait, il y avait une immense piscine. Et comme je suis fier pet et que je ne veux pas vieillir trop vite, tous les jours, j’ai fait des longueurs. »

Pour ceux et celles qui l’auraient oublié, Clémence a 89 ans. Et elle en aura 90 en novembre.

« Et toi, es-tu déjà allé au Mexique ? »

Une entrevue avec Clémence, ce n’est jamais tout à fait une entrevue, parce qu’inévitablement, l’artiste retourne les questions vers son interlocuteur. Alors qu’il existe des gens qui ne se lassent jamais de parler d’eux, l’humoriste, autrice et poète donne l’impression de ne pas aimer être trop longtemps le sujet de la conversation. Comme si l’idée qu’on puisse s’intéresser autant à sa vie et à ses réalisations ne parvenait pas à lui entrer dans la tête.

Mais il y a plus. Il y a la curiosité de l’autre, une qualité sans laquelle Clémence n’aurait probablement pas eu la carrière qu’elle a eue, elle qui a prêté sa voix à tant de personnes simples qu’on n’entendait jamais, surtout les femmes, de la travailleuse d’usine jusqu’à la grosse Raymonde, en passant par l’esseulée maman de Gérard, Gérard…

HUMBLEMENT TRÈS BON

Lorsqu’on évoque ses années 1960 et le début des années 1970 — sa nouvelle biographie illustre à quel point elle écrivait, tournait et se produisait sur scène sans arrêt durant cette période —, Clémence DesRochers rappelle qu’elle avait toujours un cahier avec elle, dans lequel elle notait ses idées et ses observations.

« C’est là que j’allais fouiller au moment de créer un spectacle. Ce n’est jamais facile d’écrire, mais à l’époque, il faut croire que j’avais des idées. Parfois, c’était quand même laborieux. Trouver une rime pouvait prendre des jours et des jours, par exemple la fin de La vie de factrie [Maintenant, j’ai plus rien à vous dire / J’suis pas un sujet à chanson]. J’ai mis beaucoup de temps à trouver ça. Et puis, humblement, c’est très, très bon », ajoute, en pouffant de rire, celle qui a cherché sans relâche la formule simple mais efficace.

Tout abandonner, Clémence y a pensé à maintes reprises (combien de fois a-t-elle annoncé qu’elle présentait son dernier show ?), surtout la tournée, harassante à la longue.

« Être toujours seule en scène, arriver constamment dans une nouvelle salle sans savoir ce qui t’attend, ça finit par être épuisant. Mais comme le dit Barbara, elle était longue, la route, mais je l’ai faite. »

Presque six ans après la véritable der des ders, en avril 2017, Clémence DesRochers apprend encore à vivre avec l’absence de la scène.

« C’est vraiment difficile, car j’en ai retiré beaucoup de bonheur. L’amour des gens qui te choisissent, ce n’est pas remplaçable. J’avoue que la vie, pour moi, maintenant, c’est plus dur. J’ai plus de temps pour réfléchir. Je suis orpheline des spectacles. Mais je mène une vie reposante avec Louise et mes chats. »

Et il lui reste encore l’écriture. « Toujours ! J’écris des petits bouts et j’ai encore mes cahiers. Avant, j’écrivais presque tous les jours à mon ami René Jacob [pharmacien et auteur], dans l’heureux temps du fax. Mais le fax a pété. Alors on est retournés aux bonnes vieilles lettres. De temps à autre, il m’en envoie une. De nos jours, recevoir une lettre, c’est quelque chose de rare », confie celle qui déteste toujours autant l’internet.

DES LETTRES OUBLIÉES

L’autrice tient à souligner la somme de travail et la recherche journalistique de son biographe Mario Girard, avec qui elle s’est tout de suite sentie à l’aise pour donner son feu vert à ce projet.

« Je savais qu’il écrivait très bien. Et il a été très, très habile pour me faire dire toutes sortes de choses en me citant, alors qu’Hélène Pedneault [autrice de sa première biographie, publiée en 1989] avait réalisé un livre comme pour m’étudier à l’université. »

Heureuse que plusieurs de ses dessins et de ses poèmes (la plupart sont devenus des chansons) se faufilent à travers les pages, elle se réjouit également que certains chapitres, interrompant momentanément la chronologie, s’arrêtent sur certains aspects particuliers de sa vie : son père Alfred, sa mère Rose-Alma, sa conjointe Louise…

Clémence DesRochers avoue avoir été très étonnée du nombre de ses lettres retrouvées dans les archives de son père Alfred.

« Je pensais lui avoir écrit seulement deux ou trois fois, mais Mario en a rapporté une dizaine ! »

ARTS ET SPECTACLES

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