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PAYANT, VENDRE DE L’ESSENCE? S

YVON LAPRADE

imon Lagacé est propriétaire d’un dépanneur à L’Assomption, dans Lanaudière. Et il vend de l’essence pour accommoder ses clients.

«Ma marge de profit varie de 2 à 2,5 cents le litre tandis que mes frais de carte de crédit, sur chaque transaction, sont de 2,2 %. Faites le calcul!»

Il fait partie des quelques centaines de détaillants indépendants, aux quatre coins du Québec, qui sont liés par contrat avec les grands distributeurs.

Lui, son distributeur, c’est Harnois Énergie. Ce n’est pas lui qui décide. Ce n’est pas lui qui prend la décision de relever ou de baisser le prix à la pompe.

À la fin du mois, il fait ses comptes. Très souvent, il constate que ça ne balance pas, si vous me permettez l’anglicisme. C’est tout juste s’il fait un très petit profit.

Fort heureusement, son dépanneur roule à plein régime.

Il est loin d’être le seul à se demander pendant encore combien de temps il va s’entêter à vendre de l’essence, compte tenu de ce que ça lui rapporte.

«Nous autres, les indépendants, on est en train de mourir à cause des faibles marges de profit, déplore-t-il. C’est un gouffre financier. On mange de l’argent alors que les gros joueurs, les corporations, se tapent des marges de 7 à 20 cents le litre.»

D’un côté, il y a les indépendants qui, pour la plupart, crèvent de faim; de l’autre, les pétrolières qui font des affaires d’or en vendant de l’essence dans leur réseau de détaillants à leur service.

«La plupart des pétrolières au Québec détiennent des stations corporatives. C’est un gérant, ou un associé, qui est placé là. Ce n’est pas la station-service qui fait le profit sur l’essence, c’est la pétrolière», constate Simon Lagacé.

CONFUSION ET INCOMPRÉHENSION

Vous avez bien compris. Quand vous faites le plein d’essence dans une station-service, vous ne mettez pas nécessairement de l’argent dans les poches du détaillant.

Les profits sont drainés vers le haut et les gros joueurs se tapent de juteuses marges de profit. C’est sans compter les gouvernements, à Québec et à Ottawa, qui taxent l’essence pour l’équivalent de 45 % du prix du litre vendu à la pompe.

«Le problème, c’est qu’il y a beaucoup d’incompréhension [de la part des clients], soulève Simon Lagacé. Mais il faut le dire : c’est épouvantable ce qui nous arrive. On est en train de se faire anéantir. Ça n’a pas de bon sens de continuer à tenir ça à bout de bras.»

Il ajoute : «Ce n’est pas sans raison que les ateliers de mécanique indépendants ont fermé leurs pompes.»

EN HAUSSE PUIS EN BAISSE

Cette question sensible touchant les marges au détail a d’ailleurs refait surface, plus tôt cette semaine, lorsque CAA-Québec a fait des comparaisons entre le prix du carburant à Montréal et les prix exigés en région.

On a appris qu’à Montréal, où la vente d’essence est davantage taxée qu’en province, notamment pour financer le transport en commun, le litre d’or noir se détaillait à 1,55 dollar depuis une semaine. En Mauricie, c’était 1,71 dollar. Sur la Côte-Nord, on «gazait» à 173,4 cents.

On a appris, aussi, que les marges étaient, dans une dizaine de régions, de plus de 20 cents le litre.

Ce qui a fait dire à Nicolas Ryan, directeur des affaires publiques, que ça dépassait l’entendement et que c’était inacceptable.

Mais une fois que c’est dit, et qu’on a déboursé une centaine de dollars pour étancher la soif de sa cylindrée, qu’est-ce qu’on peut faire de plus, sinon de pester contre les «maudites pétrolières»?

Chaque fois que survient une hausse du prix de l’essence, on se fait dire que c’est «en raison d’une multitude de facteurs». Tantôt c’est la guerre en Ukraine, tantôt c’est l’hiver trop rude, un ouragan dévastateur, un manque de main-d’oeuvre, une trop forte demande, le «roulement des stocks»...

DES RÉPONSES?

Il arrive que le prix à la pompe se dégonfle — ou se réajuste — comme par enchantement. On ne sait jamais trop pourquoi.

Mais comment se fait-il que l’essence sans plomb coûtait plus cher à Saguenay qu’à Montréal cette semaine? Était-ce en raison des coûts de transport? Comment expliquer que les marges au détail atteignaient jusqu’à 27 cents dans le coin de Sept-Îles? Était-ce en raison d’une «prime d’éloignement»?

«C’est vrai que c’est élevé [les marges], a convenu Sonia Marcotte, pdg de l’Association des distributeurs d’énergie du Québec (ADEQ). Mais là, c’est en train de se résorber. Ce n’est pas la première fois que les marges élevées se résorbent par la suite. C’est rare que ça dure longtemps. Ça dépend de la dynamique d’une région.»

Pas facile de s’y retrouver, que je vous dis...

L’Association qu’elle dirige représente les distributeurs qui ont des réseaux de détaillants d’essence. Parmi eux, Couche-Tard, Silgo-Sonic, Pétrole RL et Harnois Énergie.

«Notre réseau couvre 2300 stations-service, ce qui constitue la grande majorité du réseau», précise-t-elle.

Chose certaine, la sortie publique de CAA-Québec — qui a pris la défense de ses membres qui brûlent du carburant pour voyager au Québec et au-delà des frontières — a fait grand bruit.

Dans certaines municipalités, on se serait cru en plein Vendredi fou... Dans les régions où les prix étaient au-dessus de la moyenne, on a assisté à des réajustements.

En terminant, voici la question qu’on pourrait adresser au père Noël. À l’approche des Fêtes, les pétrolières vont-elles maintenir le litre d’essence à plus ou moins 1,60 dollar? Le diesel vat-il descendre sous la barre des 2,20 dollars?

Parce qu’on a tendance à oublier que les camionneurs sont durement frappés par le prix du carburant, au point où des distributeurs de produits alimentaires ont commencé à réduire la fréquence de leurs livraisons par souci d’économie.

Faudrait pas que la dinde reste à l’entrepôt réfrigéré, faute de camions pour prendre la route par mesure d’économie...

AFFAIRES

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2022-12-03T08:00:00.0000000Z

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