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Un don de soi qui fait la différence

Près du trois quarts des proches ai­dants pren­draient soin d’une per­sonne âgée, symp­tôme du vieillis­se­ment de la po­pu­la­tion qui n’est pas près de ra­len­tir.
Près du trois quarts des proches ai­dants pren­draient soin d’une per­sonne âgée, symp­tôme du vieillis­se­ment de la po­pu­la­tion qui n’est pas près de ra­len­tir.
— P⋆OTO 123RF

Votre voisin est peut-être un proche aidant sans que vous ne le sachiez. Dans le cadre de la Semaine nationale des proches aidants, La Voix de l’Est a recueilli des témoignages qui démontrent une réalité qui touche de plus en plus de personnes et qui n’échappe pas à la pandémie.

Faire les courses pour sa mère âgée et qui a des douleurs chroniques; gérer les finances de son grand-père qui a des trous de mémoire; faire le ménage pour une voisine qui a subi un accident: beaucoup de proches aidants ignorent qu’ils en sont un.

« C’est une évolution. Ce n’est parfois qu’à une certaine étape de ce parcours que le déclic se fait. Être proche aidant, c’est toute personne qui offre des soins sans rémunération à un proche de son entourage », précise Guillaume Joseph, directeur général de L’Appui.

« Une même personne peut être amenée à être proche aidante à plus d’une reprise et envers plus d’une personne à travers sa vie », rappelle pour sa part Sophie Foisy, directrice générale de la Société Alzheimer de Granby et région.

« Il y a des gens qui ne se considèrent pas comme proches aidants, confirme Marie-Pierre Hébert, directrice générale de la Maison soutien aux aidants, comme si ce titre était réservé à ceux qui prennent soin en tout temps de quelqu’un d’autre. À leurs yeux, ils ne font que rendre service à quelqu’un qu’ils aiment, sans plus. »

De plus, ce n’est pas tout le monde qui accepte de porter l’étiquette qui vient avec le rôle. « Des gens ne veulent pas être pris en pitié », indique M. Joseph.

Cela contribue aux nombreuses difficultés qui rendent quasiment impossible l’évaluation du nombre de proches aidants au Québec. Des estimations arrondissent toutefois à un peu moins de deux millions de Québécois le nombre de personnes proches aidantes au Québec. Près du trois quarts prendraient soin d’une personne âgée, symptôme du vieillissement de la population qui n’est pas près de ralentir.

« Depuis que le questionnaire du recensement a été revu, sous le gouvernement de Stephen Harper, certaines questions qui nous permettaient d’avoir un aperçu de la situation ont été retirées », déplore Mme Foisy.

LA PANDÉMIE FAIT DES DOMMAGES

« Les proches aidants sont assurément la tranche de la population qui est la plus résiliente, estime M. Joseph. Leur parcours est déjà parsemé de plusieurs obstacles et de multiples deuils. Cette année, c’est particulièrement éprouvant. »

En effet, la pandémie de COVID-19 a fait beaucoup de dommages depuis le mois de mars, conviennent les intervenants.

D’une part, parce que certains aidants n’ont pas pu aller visiter leurs proches, hébergés dans une ressource où l’accès aux visiteurs était restreint. « La deuxième vague est quand même moins dommageable que la première à ce niveau parce que les établissements offrent des autorisations aux proches aidants », constate M. Joseph.

L’isolement est d’ailleurs le plus grand tort causé par la pandémie. « Les proches aidants se sentent déjà seuls dans leur situation, mais avec l’annulation de rencontres de groupes où ils pouvaient partager, c’est pire », note Mme Hébert, ajoutant que certains bénéficiaires du service de répit de longue durée offert par la Maison soutien aux aidants n’ont pas pu en profiter, faute d’avoir quelque part où aller entre-temps.

D’autre part, parce que la situation, dont la diminution de services à domicile, a fait en sorte que beaucoup d’aidés ont été moins stimulés, contribuant à la progression de la maladie, se désole Marion Mutin, intervenante à la Société Alzheimer de Granby et région. « La pandémie a eu un gros impact, souligne-t-elle. Beaucoup de gens qui vivaient encore chez eux ont dû déménager dans une ressource d’hébergement parce que leur cas s’est alourdi. »

Le transfert dans un centre de soins n’est pas la finalité de tous les proches aidants, nuance toutefois Mme Hébert. « Beaucoup veulent maintenir leur proche à domicile le plus longtemps possible. Mais le poids de leur rôle peut les rendre impatients avec la personne aidée, ce qui dans certains cas, fait en sorte d’accélérer le transfert. »

Enfin, d’autres aidants ont été sursollicités pour compenser les coupures temporaires de services imposées par les restrictions sanitaires. Dans leur cas, l’épuisement les guette plus que jamais. La ligne téléphonique Info-Aidant (1 855 8527784), un service d’écoute-conseil mis en place par L’Appui, a d’ailleurs connu une hausse de nom nombre d’appels de 73% par rapport à la même période, en 2019.

Même les intervenants psychosociaux qui accompagnent les proches aidants ont eux aussi vu le poids sur leurs épaules s’alourdir. « Eux aussi ont besoin de se ressourcer et de reprendre des forces », indique MariePierre Hébert.

DES SERVICES ADAPTÉS

Malgré cela, les services d’aide ont depuis repris et ont su s’adapter. « Les organismes et les intervenants ont dû se renouveler rapidement avec la fermeture temporaire de leurs services de répit et de certains centres de jour, ce qui a mené à différentes formules de soutien à distance », résume M. Joseph.

À la Société Alzheimer de Granby et région, par exemple, les rencontres de groupe ont été adaptées pour avoir lieu de façon individuelle. Des rencontres de répit ont été remplacées par des communications au téléphone ou par visioconférence. « La réponse est positive », se réjouit Mme Foisy.

À la Maison soutien aux aidants, l’équipe d’intervenants travaille fort à développer son offre de services à distance, tout en maintenant le répit à domicile et le répit de longue durée pour ses bénéficiaires qui le veulent bien. « Il faut être créatifs, mais on sait que ça va rendre nos services encore meilleurs et qu’on va encore mieux répondre aux besoins de notre clientèle », lance Mme Hébert, optimiste.