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L’AMOUR AU TEMPS DE LA SURVIVANCE

LÉA HARVEY lharvey@lesoleil.com Maria Chapdelaine sera présenté sur une centaine de grands écrans, partout au Québec, dès le 24 septembre.

Qu’on ait rencontré Maria Chapdelaine par pur hasard sur une tablette de librairie ou — de façon un peu forcée — dans un cours de littérature, il ne fait nul doute que ce succès international de Louis Hémon charme bon nombre de lecteurs et d’artistes depuis sa parution, en 1913. Ce n’était donc qu’une question de temps avant que Sébastien Pilote s’y plonge à son tour.

Le livre teinte d’ailleurs l’oeuvre du réalisateur depuis plusieurs années. S’il en a intégré quelques éléments dans son premier long-métrage, Le vendeur, en nommant entre autres l’un de ses personnages François Paradis, Le démantèlement lui apparaît comme étant en quelque sorte « la suite » de l’oeuvre littéraire.

« J’avais un peu l’impression de faire un sequel de Maria Chapdelaine : qu’est-ce qu’on fait aujourd’hui des terres qu’on a défrichées il y a 100 ans ? » raconte Sébastien Pilote, en entrevue au Soleil.

Pas question donc de se laisser influencer par les autres adaptations cinématographiques de Maria Chapdelaine. Le cinéaste le répète : « S’il y avait eu dix films adaptés du roman, [j’aurais] voulu faire le onzième ». Celui qui scénarise et réalise aujourd’hui la quatrième a donc pris plaisir à redécouvrir Maria

Chapdelaine, mais toujours avec cette envie de « revenir à l’essentiel ».

Bien que le rôle ait été confié à des actrices plus âgées par le passé, Maria n’est, dans le livre, qu’à l’aube de la majorité. Elle est une jeune femme « à la frontière entre le monde des enfants et celui des adultes », rappelle Sébastien Pilote.

« Quand tu as 30 ans, en 1910, et que tu habites chez tes parents, ça teinte le personnage terriblement. […] Ce qu’on montre, finalement, c’est l’été de ses 16 ou 17 ans, l’été de ses premiers amours », soutient le natif de SaintAmbroise, village du Saguenay–LacSaint-Jean situé à quelques dizaines de kilomètres du lieu où prend place l’action de l’histoire, aux abords de la rivière Péribonka.

Pour le réalisateur, il s’agissait donc ici de raconter le tout « d’une nouvelle manière », d’« explorer les ambiguïtés du roman » et les différentes métamorphoses qui se produisent tant dans le paysage entourant la concession Chapdelaine que chez les êtres qui la défrichent.

Une façon pour lui d’éloigner cette histoire des idées conservatrices et religieuses qu’on lui a « collées à la peau » sans pour autant la moderniser : « Faire des scènes montrant, par exemple, les personnages en train de s’embrasser, je crois que ça aurait été une erreur. L’étiquette paysanne faisait qu’à l’époque, il y avait une distance, un respect. Je trouve ça très beau. On peut en dire beaucoup en disant peu de mots. »

LE TEMPS AU XXe SIÈCLE

Tourné à Normandin, au nord de Saint-Félicien, le long-métrage fait voyager le public, en 1910, au coeur d’une forêt dense d’épinettes, que l’on verra sous tous les angles, aux couleurs de toutes les saisons. Un lieu symbolique plus qu’écologique.

« C’est paradoxal avec aujourd’hui. En environnement, on ne veut pas couper les arbres. Mais, dans Maria Chapdelaine, couper les arbres, c’est positif. À l’époque, la forêt est un peu comme le diable. Elle est inquiétante, sépare des gens, des paroisses ou empêche de cultiver », affirme Sébastien Pilote, qui tenait à mettre en lumière cet aspect du roman.

En plus de placer au coeur de son film le territoire du Saguenay–LacSaint-Jean, le réalisateur fixe sa caméra sur tout le travail fait par ces hommes et ces femmes qui ont peuplé le nord de la province. Le tout dans des conditions souvent plus que difficiles.

Pour ce faire, le cinéaste « épouse le rythme de l’époque ». Un film de 2 h 39 qui met ainsi en images le « passage du temps », les instants de dur labeur comme les parties de cartes et les veillées chez les voisins où l’on discute et raconte de longues histoires.

« Les gens n’avaient pas constamment quelque chose à faire sur leur tablette ou leur téléphone. Ils devaient s’occuper de toutes sortes de manières. C’est un film de survivance, d’hivernement », soutient le cinéaste passionné et surtout fier de son projet dont le format a été pensé pour les salles de cinéma.

LEMAG.

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2021-09-18T07:00:00.0000000Z

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