LaVoixdelEstSurMonOrdi.ca

Le code «cuillère»

SYLVAIN CHARLEBOIS COMMENTAIRE opinions@lavoixdelest.ca PHOTO 123RF

Les codes QR font partie de nos vies depuis très longtemps. Avant la pandémie, on les utilisait en moyenne quelques fois par an tout au plus. La plupart des Canadiens utilisent un code QR presque chaque semaine et, dans certains cas, quotidiennement.

De surcroît, leur implication dans l’industrie alimentaire peut s’avérer importante. Autrefois considéré comme une bébelle originale utilisée occasionnellement, principalement pour le marketing, le code QR pourra dorénavant changer la façon dont l’industrie alimentaire échange des données avec le public et pourrait également modifier nos attentes quant à la transparence de notre chaîne d’approvisionnement alimentaire.

Le code QR, également connu sous le nom de « système de réponse rapide », a vu le jour en 1994 au Japon. À l’époque, on le destinait principalement au secteur automobile, car il permettait une plus grande capacité de stockage de données que le code universel des produits (CUP) apposé sur la plupart des articles que nous achetons. D’autres secteurs ont rapidement pris acte des avantages du code QR, dont celui de l’agroalimentaire.

Pendant des années, l’industrie alimentaire a essayé de trouver un moyen de rendre l’ensemble de la chaîne alimentaire plus transparente, plus ouverte, afin que les consommateurs puissent comprendre ce que contiennent les aliments qu’ils achètent dans les magasins et dans les restaurants. Transmettre l’origine de tous les ingrédients intégrés dans les produits alimentaires n’est pas une tâche facile, à moins que les consommateurs ne puissent intuitivement utiliser une technologie. Eh bien, la pandémie nous a rappelé que nous avions la solution sous la main depuis longtemps.

La pandémie a littéralement donné un second souffle aux codes QR. Selon un récent sondage de l’Université Dalhousie, plus de trois Canadiens sur cinq ont utilisé un code QR au restaurant ou dans un magasin alimentaire soit pour effectuer un paiement, à des fins de marketing ou pour d’autres raisons. Environ 39 % des Canadiens n’utilisent jamais de code QR, peu importe les circonstances. Ce pourcentage s’avère encore plus bas chez les générations Y et Z. Le taux d’utilisation au Canada est sans contredit beaucoup plus élevé qu’avant la pandémie.

Pour éliminer tout contact humain, le code QR devient une application populaire au sein de l’industrie alimentaire pendant la pandémie. Étant donné que la plupart d’entre nous possédons un téléphone intelligent, l’accès à des données tel que des menus, des prix, des instructions ou des horaires par le biais de codes QR permet à tout un chacun de vivre dans un monde sans contact. Cette technologie était pourtant toujours là, à notre disposition pour éliminer tous les documents sur papier que nous utilisons. Mais les codes QR peuvent aussi faire bien plus ; les possibilités semblent pratiquement infinies.

Depuis des années, nous voyons des entreprises utiliser les technologies de chaîne de bloc et les codes QR dans le cadre de leur stratégie de traçabilité alimentaire. Avec l’hyper numérisation de l’industrie alimentaire, certains détaillants ont utilisé ces codes avec des résultats mitigés. En Europe et en Asie, l’utilisation de codes QR est assez courante. Carrefour, en Europe, et Metro, en Allemagne, les utilisent déjà pour plus de transparence au sein de la chaîne d’approvisionnement. En Amérique du Nord, on associe davantage ces quadrilatères codés à une nouveauté et une fonctionnalité amusante à utiliser par les consommateurs férus de technologie. Cette perception et cette attitude pourraient très bien changer après la pandémie.

La COVID-19 a fait de l’utilisation des codes QR une application grand public qui peut désormais ouvrir la porte à une variété de nouvelles possibilités. Les consommateurs deviennent plus conscients de ce qui se passe dans la chaîne d’approvisionnement avant que les aliments n’arrivent sur les étagères des magasins ou dans les restaurants. Les gens se préoccupent des salaires et du bien-être des travailleurs dans la transformation agricole. Pour faire de meilleurs choix alimentaires, ils veulent également en savoir plus sur les ingrédients et sur la façon dont ils peuvent acheter localement plus fréquemment. À son tour, l’industrie peut en apprendre davantage sur les consommateurs grâce au plus grand nombre d’échanges de données entre le client et l’industrie. Cela pourrait conduire à une innovation davantage axée sur les besoins et désirs du consommateur.

Une meilleure traçabilité peut également éliminer la fraude alimentaire et rendre l’ensemble de notre chaîne d’approvisionnement alimentaire plus limpide. En revanche, le code QR n’offrira aucune garantie que cela puisse se produire. Les solutions basées sur les QR, en raison de la facilité inhérente à l’imitation, pourraient même inciter à la contrefaçon, s’avérant plus risquées que de n’adopter aucune solution. Les codes QR sont bon marché et incroyablement faciles à créer, mais ils peuvent également permettre de partager plus facilement les données.

D’ici quelques années, les consommateurs s’attendront à une totale transparence en temps réel de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, et l’industrie devra s’y préparer. En raison de la place que nous avons donnée aux codes QR pendant la pandémie, ces derniers pourraient devenir un portail pour l’aspect plus obscur de l’industrie alimentaire.

Que les codes QR deviennent ou non la solution choisie, les consommateurs savent que l’industrie alimentaire possède la technologie nécessaire pour offrir plus d’information en un rien de temps, ce qui favorise des choix alimentaires plus judicieux.

Comme le suggèrent nos amis de l’émission À la semaine prochaine, à l’antenne de Radio-Canada, vu le rôle de ces applications dans le monde alimentaire, le code QR se fera possiblement aussi connaître comme le code « cuillère ».

L’auteur, originaire de Farnham, est doyen de la faculté de management et professeur titulaire en distribution et politiques agroalimentaires de l’Université Dalhousie.

OPINIONS

fr-ca

2021-09-18T07:00:00.0000000Z

2021-09-18T07:00:00.0000000Z

https://lavoixdelest.pressreader.com/article/281848646737460

Groupe Capitales Media