L’EMBARRAS DU CHOIX

Quand je vais au bar laitier, je suis souvent indécise face aux choix qui s’offrent à moi.

Crème glacée molle, dure, ou gelato ? Saveur vanille, chocolat, napolitaine, fruitée ? Une, deux, trois (!) boules ? Dans un cornet classique, gaufré ou dans un bol ? Avec ou sans bonbons ? Un trempage au chocolat ? Si oui, lequel : belge, au lait, noir, blanc ? Des pinottes avec ça ? Oh, il y a aussi les sandwichs à la crème glacée qui ont l’air bons... Et que dire des barbotines, des coupes glacées, des bananes royales, des yogourts glacés et des potions magiques !

Avec un seul choix à faire devant autant de possibilités et en si peu de temps, j’hésite toujours. Et plus il y a des gens dans la file devant moi, plus j’ai la chance de changer d’idée...

Le casse-tête avant le brain freeze. C’est comme si j’avais peur de ne pas commander la meilleure gâterie qui soit et de le regretter par la suite. Comme si c’était un concours plutôt qu’un petit plaisir qu’on s’offre.

Au point où j’en oublie quasiment de me demander ce qui me ferait le plus plaisir à ce moment bien précis.

Deux fois sur trois, je finis par m’en tenir à mon classique : une bonne molle à la vanille. Pour la variété, on repassera.

Mais même si je me délecte de ma gourmandise, il m’arrive souvent de me demander, après coup, si je n’aurais pas dû commander autre chose. Oser.

Surtout quand je vois ce que dégustent ceux qui m’accompagnent. Ça a toujours l’air meilleur dans le cornet du voisin, n’est-ce pas ?

Heureusement pour moi, j’hésite beaucoup moins longtemps dans l’isoloir que devant un comptoir de glaces.

Parce que quand on y pense, aller voter, c’est un peu comme aller au bar laitier.

Certains choisiront toujours le même type de cornet et en seront très satisfaits.

D’autres, après un certain temps, s’en seront lassé et essaieront une nouvelle saveur. Qui sait si celle-ci ne deviendra pas leur nouvelle favorite pour les prochaines fois ?

D’autres préfèrent au contraire tout essayer. D’une visite à l’autre, ils commanderont quelque chose qu’ils n’ont jamais goûté. Pas question pour eux de commander la même chose deux fois. Pour eux, le nouveau parfum a quelque chose d’attirant.

Enfin, il y a d’autres clients qui demandent conseil, qui vont commander ce qui leur est recommandé. Ou qui tenteront la saveur du jour.

Dans tous les cas, ça se peut qu’à l’occasion, on sorte de là avec un goût amer, qu’on ne soit pas satisfait.

Tant pis, si on regrette notre choix, on n’aura qu’à en faire un autre à la prochaine occasion. C’est la vie.

C’est clair. Voter pour un parti susceptible de former le prochain gouvernement, ou l’opposition officielle, a beaucoup plus de conséquences sur notre avenir, collectif ou individuel, que de préférer un sorbet aux fraises à un sundae au caramel, j’en conviens.

Là où je veux en venir, c’est qu’à la quantité de choix qui nous est offerte à la présente élection — que ce soient les quatre principaux partis ou bien d’autres dont on entend moins parler, sans compter les candidats indépendants —, il y a certainement des options qui peuvent nous convenir si on prend le temps d’y penser un petit peu.

Il est prouvé que plus nous faisons face à un grand nombre d’alternatives, plus on sera stressés d’avoir à prendre une décision, ce qui peut mener, finalement à ne pas choisir. Ou à douter constamment de son choix. C’est paralysant.

Mais à ceux qui seraient tentés de passer leur tour à l’élection de lundi : quand on choisit, on prend le risque d’être déçu, mais on prend aussi le risque d’être agréablement surpris.

Je ne vous dirai pas quelle saveur électorale a obtenu mon X. Ce n’est pas mon rôle ni mon intention de vous influencer à ce sujet, si ce n’est de vous inciter à remplir votre devoir de citoyen.

Espérons tout de même que la prochaine fois, le marchand de glaces attendra bien quatre ans avant de repasser.