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LES CHUCHOTEMENTS DE L’ANSE-SAINT-JEAN

JONATHAN CUSTEAU CHRONIQUE jonathan.custeau@latribune.qc.ca

Aussi chauvins soient les Saguenéens, ils avaient trouvé les mots, l’an dernier, pour me convaincre d’une excursion au pays des fjords. Tant qu’à pousser la route vers mon nord, j’irais aussi faire un tour du Lac, pendant que tout le monde se disputait la Gaspésie. Ça n’empêchait pas, COVID oblige, que restaurants et hôtels débordaient en raison de leur capacité limitée.

J’avais planifié à l’aveugle, comme je le fais souvent, en plaçant des arrêts un peu plus en avant, chaque jour, sur la carte de la région à visiter. Le concept me force à avancer, mais en ne distançant pas outrancièrement les points, j’ai toujours le loisir de revenir sur mes pas.

Avant d’arriver à L’Anse-SaintJ-ean, je n’avais vu de fjord que celui de Milford Sound, à l’autre bout du monde, sur l’île du sud de la Nouvelle-Zélande, et un paysage semblable à Kotor au Monténégro, où certains considèrent (à tort) les Bouches de Kotor comme un fjord, même si elles n’ont pas été formées par les glaces. Qu’à cela ne tienne, entre les paysages du Seigneur des anneaux et une vieille ville aux accents médiévaux, il restait tout un éventail de possibles pour meubler mon imaginaire.

L’idée, en bifurquant à droite, en sortant de la route 170 vers la rivière Saguenay, était de conquérir un petit pied à terre pour explorer le parc national de Fjorddu-Saguenay. L’erreur aura été de ne pas y demeurer assez longtemps pour bien explorer.

Je répète depuis mon passage à Ella, dans les montagnes du Sri Lanka, que j’ai trouvé l’endroit parfait pour écrire le roman qui figure sur ma liste des 1000 choses à faire avant de mourir. Quelque part entre deux collines où l’on cultive le thé, au pied d’arbres tropicaux où des singes se réfugiaient pour grignoter les fruits chapardés à gauche et à droite, j’ai trouvé ce je-ne-sais-quoi de ressourçant qui suffirait à combattre le syndrome de la page blanche.

L’Anse-Saint-Jean m’a fait le même effet. Le village, qui m’attendait en chuchotant, avance sur la pointe des pieds jusqu’à la rivière Saguenay. On l’explore à pied facilement sans être trop importuné par la circulation automobile qui, avouonsle, se fait un peu plus dense à l’approche du quai.

Je n’aurai pas eu le temps d’y mettre un kayak à l’eau. Je n’ai pas pris le temps, non plus, d’explorer ses sentiers les plus prometteurs. C’est bête? À qui le dites-vous! Même pas eu le temps de m’asseoir au fameux Bistro de l’Anse, que tous ceux rencontrés vantaient sans retenue. C’est probablement ce qui explique que toutes ses tables étaient occupées bien avant que la faim se présente.

Ma promenade n’en aura pas moins été charmante, vers le pont couvert qui a été transformé en galerie d’art. C’est le genre de surprise que j’aime. Et pendant que je me disais «C’est le genre de surprise que j’aime», une voix derrière moi me laissait savoir que le pont en question était parti avec les glaces au début d’avril, en 1986. La voix, c’était celle d’un homme sur son balcon, sympathique bien plus que vous ne pouvez le penser, qui ne se laissait pas prier pour raconter l’histoire de son pont.

«Il n’a pas été endommagé et il a été remis en place», affirmaitil. «S’il n’avait pas été remonté, il serait parti avec les eaux en 1996.»

Pour ajouter à l’histoire, la structure, construite en 1929, est la dernière des quatre ponts couverts qui recouvraient autrefois les deux rives à L’Anse-Saint-Jean.

Le paresseux en moi a poursuivi jusqu’à la randonnée de trois minutes au Belvédère du 1000 $, LE point de vue d’où aurait été prise la photo ayant orné les billets du 1000 $ de la Banque du Canada de 1954 à 1992. Encore mon genre de point de vue.

Difficile de faire mieux que la terrasse du Café du quai pour toiser la rivière pendant de longues minutes. Et il y a de quoi abuser de la gourmandise avec les crêpes qui y sont servies. Sinon, la crème glacée de la Cabane à glace mérite le détour. C’est plus calorique qu’une virée en kayak, mais ça goûte tout aussi bon.

C’est peut-être parce qu’il y a de quoi bien manger à L’Anse-SaintJean que je m’y incrusterais. S’ils étaient peu nombreux à suggérer le restaurant du Camp de base, dans l’auberge de jeunesse du même nom, c’est pourtant un arrêt de dernière minute qui aura valu son pesant d’or. D’abord parce que le paysage de la terrasse, à l’arrière, est largement plus joli que celui de la façade du bâtiment. Ensuite parce que le menu varié et appétissant mérite un arrêt en bonne et due forme.

On m’avait par ailleurs mis au défi de me rendre au bout du quai de Petit-Saguenay, entre 15 à 20 minutes en aval, pour voir le soleil se coucher sur le fjord. «Le plus beau point de vue pour les couchers de soleil», disait-on. Si je n’ai pas regretté d’être venu sur mes pas jusqu’à Petit-Saguenay, je me suis promis que la prochaine fois que je passerai par là, je m’assurerai de pouvoir comparer avec plusieurs autres points de vue sur le fjord pour trancher moi-même la question. Parce qu’en vérité, estce qu’on peut vraiment se tromper quand le ciel enveloppe le fjord de ses teintes rosées?

VOYAGES

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2021-06-12T07:00:00.0000000Z

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