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LE CANADIEN EST DEVENU UNE ÉQUIPE

Selon Serge Savard, la chimie, c’est d’abord et avant tout une question de sacrifices

MICHEL TASSÉ michel.tasse@lavoixdelest.ca

Depuis que le Canadien a effectué sa spectaculaire remontée face aux Maple Leafs de Toronto et encore plus depuis qu’il a balayé les Jets de Winnipeg, on ne cesse de parler de la chimie qui s’est installée au sein de l’équipe. La chimie, cet élément ô combien abstrait, mais tout à fait essentiel au sein d’une formation qui aspire aux grands honneurs.

Serge Savard a remporté pas moins de 10 coupes Stanley au cours de son illustre carrière avec le Canadien : huit en tant que joueur et deux à titre de directeur général. Et il peut vous parler longtemps de chimie, même s’il n’est pas fou de l’expression.

« Chimie ? C’est un beau mot, mais je préfère qu’on dise “devenir une équipe”, lance-t-il. Ça me semble plus juste, plus concret. Mais l’important, dans la vraie vie, c’est que le Canadien soit justement enfin devenu une équipe… »

Une bande de joueurs devient une équipe, selon l’ex-défenseur et membre du Temple de la renommée, lorsque ceux-ci acceptent de se sacrifier, qu’ils font passer les intérêts du club avant les leurs.

« Dans les années 70, on avait toute une équipe, on va se le dire. Lafleur, Shutt, Lemaire, Robinson, Lapointe et cie, c’était quelque chose. Mais même Guy et Steve devenaient plus prudents en séries, ils faisaient beaucoup plus attention à leur défensive. Il ne fallait pas donner d’échappées et on tirait énormément de fierté à accorder peu de buts, nos vedettes à l’attaque y compris. Nous avions du talent comme ce n’était pas permis, mais le sens du sacrifice pour le bien du club était aussi très présent. »

Dans la même veine, Savard s’est ensuite mis à parler des Leafs, une équipe qui était clairement supérieure au Canadien sur papier.

« Les Leafs, ils ont du talent rien qu’en masse. Auston Matthews, c’est tout un joueur. Mais à plus de 11 millions par année, ce ne lui coûte rien quand son équipe tombe en vacances de bonne heure. C’est tout un joueur, mais il n’a pas encore atteint cette maturité dont tu as besoin pour devenir un champion. »

PRICE… COMME ROY?

En fin de saison, alors que le Canadien ne gagnait pas souvent et que tout le monde était prêt à échanger ou à congédier tout le monde, Serge Savard ne paniquait pas. Car Le Sénateur savait que si Carey Price redevenait Carey Price, tout était possible.

« On est en séries et personne ne gagne en séries sans un gardien hot. Price est hot et le Canadien gagne. Mais il n’est pas le seul à jouer du bon hockey. Autour de lui, tout le monde fait son travail. Il aurait beau faire des miracles, si les gars autour ne se sacrifiaient pas, si tout le monde n’acceptait pas son rôle, ça ne fonctionnerait pas. »

Ceci dit, l’homme hésite avant de mettre Price sur le même piédestal que Patrick Roy, le grand responsable des triomphes de 1986 et de 1993.

« Patrick a gagné partout, à Montréal, au Colorado, partout. Il a quatre bagues de la Coupe Stanley. Attendons un peu… »

Mais Price, comme le reste du Canadien, risque d’en avoir plein les bras avec les Golden Knights de Vegas. Savard parle d’un « gros, gros test ».

« Les Golden Knights sont supérieurs aux Leafs et ils sont supérieurs aux Jets. Ça ne sera pas facile. Mais il ne reste que quatre équipes en lice et le Canadien fait partie de celleslà. Tout est possible, mais il n’y a rien de gagné. L’équipe est proche et loin en même temps. »

En 1993, le Canadien avait vaincu les Nordiques au premier tour après avoir comblé un déficit de 2-0 dans la série. Les joueurs de Pierre Pagé étaient largement favoris pour l’emporter.

« Les gens disent que le parcours des champions de 1993 et celui du Canadien d’aujourd’hui se ressemblent. Ce n’est pas faux, mais nous, nous avions battu la meilleure équipe

« Dans les années 70, on avait toute une équipe. (...) Nous avions du talent comme ce n’était pas permis, mais le sens du sacrifice pour le bien du club était aussi très présent. » — Serge Savard

en partant et le chemin s’était ensuite ouvert devant nous. Car Québec, avec les Sakic, Sundin, Nolan, Ricci, Duchesne et cie, était très, très solide. Là, Vegas, c’est le plus gros morceau jusqu’ici. »

DU LEADERSHIP

Les observateurs et les partisans vantent souvent le leadership du capitaine Shea Weber. Mais lorsqu’on arrive en séries, toujours selon Serge Savard, le leadership devient l’affaire des 20 joueurs.

« T’as beau avoir un bon capitaine, si c’est ton seul leader, tu n’iras pas loin, tranche-t-il. Et être un bon leader, ce n’est pas seulement de se lever et de prendre la parole dans le vestiaire. Un leader prêche d’abord par l’exemple, il se sacrifie pour son équipe. Et ça en prend plusieurs pour gagner. Ça en prend 20. »

Se sacrifier. Savard y revient toujours. Et il reviendra sur cette réunion tenue dans son bureau lors du printemps de 1986.

« Nos défenseurs étaient bons, mais ils prenaient trop de risques. Et à un moment donné, j’ai convié les six dans mon bureau. Larry Robinson était du groupe. Et j’ai dit aux gars : “Là, plus personne ne traverse la ligne bleue, on prend trop de chances. Le prochain qui traverse la bleue, c’est pas compliqué, il ne joue pas à la prochaine

game ! ” Les gars ont compris, ils ont accepté de se sacrifier… et on a gagné. »

Et c’est tout ce qui compte.

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