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Appel à la mobilisation

JACYNTHE NADEAU jacynthe.nadeau@latribune.qc.ca

Même si au moins 200 lacs sont touchés au Québec et que l’épidémie gagne visiblement du terrain de l’ouest vers l’est de la province, le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques n’a pas la pleine mesure du problème que représente le myriophylle à épis sur son territoire et encore moins un plan d’action pour le contrer.

C’est le constat que dresse l’Alliance pour un programme national de gestion du myriophylle à épis, qui milite depuis trois ans pour que la province se dote d’une stratégie de lutte contre cette plante aquatique envahissante communément appelée plante zombie.

« On ne sait pas combien de lacs sont atteints, on estime que c’est plus de 200 c’est clair, mais on se dit aussi qu’il y en a beaucoup plus à protéger », s’inquiète Constance Ramacieri, porte-parole de l’Alliance et membre de la Société de conservation du lac Lovering à Magog.

Or après avoir interpellé les 125 députés de l’Assemblée nationale en 2019 et rencontré le ministre de l’Environnement Benoit Charette en 2020, l’Alliance a pris acte avec déception cet hiver « que le MELCC, de son propre aveu, n’a ni les ressources financières, ni les ressources humaines, ni les capacités opérationnelles pour développer et mettre en place » le programme qu’elle réclame.

Il repousse même la discussion à une prochaine rencontre du Forum d’action sur l’eau qui doit se tenir à l’automne, après un autre été qui s’annonce plus occupé que jamais sur les lacs et les plans d’eau de la province.

ACTIONS URGENTES

C’est pourquoi l’Alliance se tourne maintenant vers les 13 ministres responsables des 17 régions administratives du Québec pour les implorer « de trouver ensemble les ressources pour mettre en place dès cet été des actions urgentes pour contrer le myriophylle ».

« Pour nous, de juste laisser passer une autre saison, ce n’est pas acceptable, explique Mme Ramacieri. C’est un problème territorial et il y a des ministres qui sont responsables de ces territoires. On espère et on croit sincèrement qu’ils vont prendre conscience du problème et nous répondre. »

« Nous savons tous maintenant ce qu’il en coûte de ne pas agir, alors que la prévention est encore possible », ajoute l’Alliance dans la lettre adressée aux ministres, en précisant à chacun le nombre de lacs atteints dans « sa » région.

L’Alliance, rappelons-le, est une coalition nationale qui a pris naissance en Estrie en 2018 et qui est appuyée aujourd’hui par près de 200 associations, municipalités, MRC et entreprises qui oeuvrent dans le secteur de l’eau. Son comité de pilotage composé de bénévoles s’est donné pour mission de contrer la propagation du myriophylle qui, lorsqu’il s’implante dans un lac, peut avoir une croissance effrénée jusqu’à nuire aux activités nautiques et affecter la valeur des propriétés riveraines.

Car un seul petit fragment de cette plante longiligne peut prendre racine et former un autre plant… ou infester un autre lac en voyageant sur une embarcation mal lavée, qu’elle soit à moteur ou à propulsion humaine.

DE L’OUTAOUAIS À LANAUDIÈRE

Selon un document public du MELCC compilé à partir de différentes sources de déclarations volontaires, le Québec comptait en septembre 2020 pas moins de

179 lacs et 24 cours d’eau atteints par le myriophylle à épis, dont 11 sont à confirmer parce que « l’observation est non documentée ».

Toujours selon cette liste, l’Outaouais est la région la plus touchée avec 59 plans d’eau, suivie des Laurentides (49), de l’Estrie (27), et de la Montérégie (25).

C’est beaucoup de plans d’eau, mais il y en a encore plus, met en garde l’Alliance, qui a posé la question à

1131 municipalités au Québec en début d’année. Selon ce sondage, qui a obtenu un taux de réponse de 18 %,

17 municipalités ont identifié 21 lacs et cours d’eau touchés qui n’apparaissent pas sur la liste du ministère. Tandis que 64 municipalités ne savent pas s’il y a du myriophylle dans leurs plans d’eau et qu’un bon nombre répondent non « parce que personne ne l’a rapporté ».

Biologiste de formation et conseiller scientifique de l’Alliance, Henri

Fournier soutient que la propagation du myriophylle dans la province est préoccupante, qu’on ne pourra pas éradiquer l’espèce, mais qu’on peut la freiner en mettant les efforts en commun.

« Le myriophylle à épis, c’est un peu comme le canari dans la mine », image-t-il. Il est bien visible et quand on prend des mesures pour freiner sa propagation, on agit en même temps sur d’autres espèces envahissantes moins faciles à détecter comme les moules zébrées et d’autres crustacés planctoniques qui sont « extrêmement dommageables ».

Et comparativement à d’autres problèmes plus complexes comme l’eutrophisation des lacs, nomme-t-il, les interventions pour contrer le myriophylle sont infiniment plus simples et moins coûteuses à mettre en place.

« On peut réellement intervenir sur le myriophylle et faire en sorte que le problème ne vienne pas, dans 20, 30 ou 40 ans, prendre une ampleur telle qu’une bonne partie de nos plans d’eau aient perdu une large part de leur valeur récréotouristique parce que leurs rivages seront colonisés par des plantes aquatiques. »

« Ce n’est pas mineur ce qui arrive, insiste Mme Ramacieri. Il faut que quelqu’un intervienne. Nous avons une richesse extraordinaire au Québec qui est en train de se miner tranquillement. Il me semble qu’on aurait dû apprendre depuis longtemps que la prévention, ça coûte moins cher que l’intervention. »

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