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DÉMÊLER LE VRAI DU FAUX

KATHERINE BOULIANNE kboulianne@lequotidien.com

Alors que la plupart d’entre vous ont reçu votre première dose de vaccin contre la COVID-19 et que vous redoutez peut-être la seconde, certaines questions se posent encore face aux effets secondaires ressentis. Fièvre, nausées, fatigue ou encore rien du tout ? Pour y voir plus clair, le pharmacien Yann Gaudreault a accepté de répondre à nos questions. Est-ce que la façon avec laquelle nous réagissons au vaccin est un indicateur de la façon avec laquelle nous aurions réagi au virus si nous l’avions attrapé ?

Nous ne pouvons pas faire de lien, puisqu’il y a beaucoup trop de facteurs qui peuvent entrer en ligne de compte. Par exemple, quelle est la souche du virus que nous aurions attrapée? S’agit-il d’un variant? Au moment d’attraper le virus, étions-nous déjà affaiblis pour X, Y raisons? Ce que nous craignons beaucoup avec la COVID, c’est la fameuse tempête de cytokine qui vient ravager le système pulmonaire. Elle survient subitement et nous n’avons pas encore établi de pattern pour bien la cibler. Et règle générale, en vaccination, la façon dont nous réagissons au vaccin et la façon dont se manifeste réellement la maladie ne sont pas corrélées ensemble.

Le type de technologie utilisée pour le vaccin (ARN messager ou à vecteur viral) a-til un effet sur notre possible réaction au vaccin?

La technologie du vaccin, il faut vraiment la voir comme le système qui va délivrer le message au système immunitaire. Ce sont deux façons différentes, mais le résultat est le même. Il n’y a donc pas tellement de lien avec la réponse immunitaire. Et au niveau de l’efficacité, quand nous regardons les chiffres par rapport aux complications de la COVID, tous les vaccins sont très efficaces.

Qu’est-ce qui explique que certaines personnes puissent réagir plus fortement que d’autres ?

Chaque virus est différent, donc chaque vaccin aussi. Nous ne pouvons donc pas faire de corrélation sur la façon avec laquelle nous réagissons d’un vaccin à un autre. Par contre, il y a des gens qui sont plus sensibles à l’effet nocebo (le contraire de l’effet placebo). Si tu leur dis qu’ils auront mal au bras, ils auront mal au bras. Si tu leur dis que tel médicament donne mal au coeur, ils auront mal au coeur. Cet effet-là peut faire en sorte que chez des gens qui sont généralement plus réactifs, nous pouvons nous demander s’ils sont vraiment plus réactifs ou s’ils sont simplement plus sensibles à l’écoute de leur corps.

Certaines données démontrent que les femmes seraient plus sensibles aux effets secondaires du vaccin. Qu’est-ce qui explique cela?

Selon certaines petites études, les femmes seraient en fait plus portées à déclarer les effets secondaires. Donc, il s’agit peut-être d’une question où les hommes veulent jouer au tough et ne le disent tout simplement pas lorsqu’ils ressentent quelque chose de différent. Ça fait du moins partie des hypothèses que l’on retrouve dans la littérature. Il n’y a rien de très fort à ce sujet-là, mais ce n’est pas parce qu’une population serait plus réactive au vaccin qu’une autre.

Les plus jeunes auraient davantage d’effets secondaires après la vaccination. Pourquoi ?

Sur le plan théorique, en vaccination, en général, les personnes plus jeunes ont un système immunitaire plus solide. Donc, elles ont une propension plus élevée à avoir des effets secondaires, parce que comme leur système est plus fort, il réagit avec plus de force face au vaccin.

Est-ce que l’absence d’effets secondaires signifie que notre système immunitaire ne réagit pas suffisamment ?

Non, nous ne devons pas nous inquiéter avec ça. Chaque personne réagit différemment. Et même si une personne ne réagit pas, ça ne veut aucunement dire qu’elle n’est pas bien protégée.

Doit-on automatiquement s’attendre à subir plus d’effets secondaires à la deuxième dose qu’à la première ?

C’est du cas par cas, et certains pourraient encore ne pas avoir d’effets secondaires du tout. Mais en moyenne, il y a une tendance qui montre que la deuxième dose a été un peu plus réactive que la première. Le système immunitaire est déjà sensibilisé au vaccin. Nous lui avons montré la COVID en disant « quand tu vois ça, il faut que tu réagisses ». Donc, à la deuxième dose, le système est prêt à réagir, et c’est ce à quoi nous nous attendons de lui. C’est normal et ça fait partie de l’apprentissage immunitaire.

De quelle manière la protection du vaccin serait influencée chez une personne si celle-ci choisissait de ne pas recevoir une seconde dose ?

Ce que nous voulons faire avec la deuxième dose, c’est ancrer la mémoire immunitaire dans certaines cellules du corps qui s’occupent de reconnaître les virus, dont les lymphocytes B et mémoire. C’est leur job à elles de se rappeler de ce qui a attaqué le corps dans le

passé et rapidement réagir dans le cas d’une nouvelle attaque. La deuxième dose viendra donc vraiment mieux ancrer le virus dans la mémoire immunitaire de celles-ci. Le but, c’est de maintenir au maximum la couverture immunitaire, parce que nous ne voulons pas qu’elle s’en aille après la première dose.

Devra-t-on renouveler la vaccination après un certain temps ?

Nous ne le savons pas encore, parce que le vaccin est trop récent. Il faut que nous ayons le temps de l’observer. Certains vaccins fêtent cette année leur dixième anniversaire, donc nous nous disons qu’ils sont bons 10 ans. Mais à leur apparition, nous croyions qu’ils ne seraient bons que trois ou cinq ans parce que nous ne les avions pas encore vus évoluer. Il y aura des études qui seront faites postcommercialisation, et si, par exemple dans quatre ans, les gens se mettent à rattraper la COVID, nous nous dirons probablement que le vaccin était bon quatre ans. C’est le temps qui viendra nous le dire, parce que nous ne pouvons pas prédire comment le vaccin va persister. L’autre facteur aussi, c’est le variant. Si le virus se met à muter en différentes souches, peut-être qu’un jour il y aura un rappel, mais avec des souches mutées.

Est-ce que l’on pourrait interchanger deux vaccins ARN pour la deuxième dose, par exemple recevoir Moderna et ensuite Pfizer?

Oui, c’est permis. Par contre, c’est certain que pour l’instant, les plus grosses études ont été faites en utilisant les mêmes vaccins, donc le premier choix serait toujours de garder le même produit. Mais il n’y aurait pas de danger ou de désavantages à les interchanger.

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